Anxiété, solitude, burn-out : l’autre réalité de l’expatriation
- ghita alami
- 27 août
- 3 min de lecture

On te l’a peut-être déjà dit : “Tu as de la chance de vivre à l’étranger !”
Et c’est peut-être vrai… mais ce que ces mêmes personnes ne voient pas toujours, c’est ce que cette aventure exige de toi intérieurement. Peut-être que tu souris en public, que tu racontes les belles choses que tu découvres… mais au fond, il y a aussi des soirs de fatigue, de doute, ou cette sensation que tout est plus lourd qu’avant. Tu ressens parfois une inquiétude qui ne te lâche pas, un manque difficile à expliquer, ou une fatigue qui ne passe pas… et tu te demandes si c’est “normal”.
Pour commencer, je voudrais te rassurer : oui, c’est une réaction fréquente, et on parle ici de ce qu’on appelle souvent l’anxiété expatriation.
Surtout, ce n’est pas un signe de faiblesse. C’est le reflet d’un processus psychologique profond que traversent beaucoup de jeunes qui vivent ou travaillent à l’étranger… mais dont on parle trop peu.
1. Pourquoi l’expatriation touche aussi l’esprit
Quand tu quittes ton pays, tu ne laisses pas seulement derrière toi des lieux ou des personnes. Tu quittes aussi des repères invisibles :
Une langue dans laquelle tu sais exprimer tes émotions.
Des codes sociaux que tu connais par cœur.
Des valeurs et habitudes qui te guident sans que tu t’en rendes compte.
Des maisons, des souvenirs de famille et d'amis....et bien d'autres.
On appelle cela un changement de cadre de référence. C’est une forme de rupture symbolique : ton esprit doit recréer un sentiment de sécurité dans un environnement qui ne te ressemble pas encore. Ce travail intérieur est intense… et il peut expliquer pourquoi même une personne “forte” peut se sentir fragile à l’étranger.
2. Trois signaux fréquents : l’anxiété, la dépression, le burn-out
L’anxiété
Elle peut se glisser dans ton quotidien sous forme de pensées incessantes : “Et si je n’y arrive pas ? Et si je ne suis pas à ma place ?”
Des anticipations négatives font jour : ton cerveau se prépare au pire, même quand il n’y a pas de danger immédiat. A cela se greffe ce besoin de prouver que tu as réussi, une situation de forte ambivalence.
La dépression
Elle peut s’installer discrètement : moins d’envie, une fatigue qui dure, la sensation de perdre de l’intérêt pour ce qui te faisait plaisir. Sans parler de ce sentiment d'irritabilité et de colère qui peut sévir.
Inconsciemment on peut vivre un deuil inachevé : celui du pays d’origine, d’un certain mode de vie, ou même d’une image idéalisée de soi.
Le burn-out
Il apparaît souvent chez les expatriés très investis dans leur travail, parfois par nécessité.
C’est un épuisement global mental, émotionnel et physique qui ne se résout pas juste avec du repos.
3. Ce que tu vis n’est pas seulement personnel, c’est aussi le résultat d’un contexte social.
En quittant ton pays, tu perds une partie de ton réseau de soutien.
Tu dois t’adapter en permanence à deux systèmes culturels différents.
Parfois, tes diplômes ou ton expérience ne sont pas valorisés comme chez toi, ce qui ébranle l’estime que tu as de toi même.
Ces facteurs, cumulés, créent une pression silencieuse mais réelle.
4. Prévenir l’épuisement émotionnel
Tu n’es pas obligé d’attendre “d’aller mal” pour prendre soin de ta santé mentale.
Voici des repères que je donne souvent à mes patients expatriés :
Il importe de reconnaître les signaux d’alerte : irritabilité, fatigue persistante, perte d’intérêt. Rester dans le déni et la souffrance n'est pas une solution.
Essaie d'entretenir tes racines : parler ta langue le plus possible, cuisine les plats qui te rappellent ton enfance et ton pays, maintiens des liens choisis avec tes proches.
Créer un réseau mixte : t’entourer à la fois de personnes de ta culture et de la culture d’accueil ne pourra que t'aider.
Prends soin de ton corps : sommeil, alimentation équilibrée, activité physique.
Et bien évidemment instaure des moments de récupération : balades, respiration, méditation, écriture.
5. Quand il est temps de demander de l’aide
Si tu sens que la fatigue devient constante, que l’envie disparaît ou que l’anxiété prend trop de place, c’est le moment de consulter.
La thérapie peut t’aider à :
Comprendre ce qui t’épuise vraiment.
Retrouver un sentiment de stabilité.
Réconcilier tes deux mondes intérieurs, sans avoir à choisir entre l’un ou l’autre.
Enfin, ton esprit n’est pas en train de “faillir”. Il est en train de s’adapter. Cette étape peut devenir une transformation profonde, où tu construiras une identité plus riche, plus solide, et pleinement à toi.
DR ALAMI Ghita
Psychologue Clinicienne






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